Credits image :
Yigal Ozeri, Untitled; Lizzie in the Snow (6), 2010 / Oil on paper / 152.4 x 106.68 cm
Le
18 May 2016,
En 2010, Lizzie Jagger - la fille du musicien Mike Jagger - a accepté de poser pour l’artiste israélien, Yigal Ozeri, dans la verdure enneigée de Central Park à New York. On l’y voit rire, sourire, une cigarette à la main. La lumière du soleil matinal illumine sa longue et épaisse chevelure brune, lui donnant une texture et un éclat particulier. Les volutes de sa cigarette apportent une note de chaleur malgré la neige que l’on voit autour d’elle. Elle semble heureuse d’être là. Son regard brillant plonge vers nous qui la regardons, et on ne peut manquer de le lui rendre, de plonger nos yeux dans les siens, pour y chercher le reflet de notre présence. Elle semble si intensément présente que c’est comme si nous étions là avec elle. Dans la neige de Central Park, partageant cet instant. Non comme un souvenir fugace qui nous échappe, mais comme un moment bien réel de sa vie et de la notre.
L’illusion de sa présence est si parfaite qu’il est presque difficile d’accepter que cette photo n’en est pas une. Que ce que l’on voit n’est pas réel et n’a jamais existé. Que c’est l’oeuvre picturale d’un artiste de la mouvance hyper-réaliste, qui n’aime rien tant que peindre des femmes dans la nature, au milieu d'une forêt, dans une prairie ou encore près d'un bois aux couleurs automnales. Il peint des jeunes femmes à l'expression mélancolique et créé l'illusion d'un cliché photographique en haute résolution, presque impossible à distinguer d'un vrai.
Dans le mouvement hyper-réaliste, ce n’est pas tant la force d’évocation du sujet ou la puissance de la composition de l’oeuvre peinte qui nous fascine. C’est la technicité et le travail minutieux et pour tout dire laborieux, que cela représente pour rendre, avec exactitude, les formes, les lumières et les couleurs du « réel ». En regardant ces images, si proches de l’image photographique, au point de s’y confondre, on en vient à s’interroger sur la triple évolution/révolution qu’elles sous-tendent : celle de l’usage des outils qui emprisonnent le réel (de l’appareil photo à l’ordinateur), celle de la diffusion du savoir-faire pictural qui permet d’atteindre ce degré de réalisme et celle, plus radicale encore, de notre regard sur le réel.
Sinon, comment comprendre autrement qu’il ai fallu attendre l’invention conjointe de la caméra et du ralenti pour qu’enfin les artistes arrivent à dessiner, de manière vraisemblable, les mouvements d’un cheval au galop.
Et comment expliquer que les génies de la peinture figurative, ces grands maitres du portrait, de Jan van Eyck à Rembrandt en passant par Léonard de Vinci, Albrecht Dürer, Michel-Ange, le Titien ou encore Rubens, n’aient pu peindre avec autant de précision et de réalisme, leur monde? De réussir à faire des peintures proches de ce qu’est, à nos yeux, le réel. Ne le voyaient-ils pas comme nous pouvons le voir aujourd’hui ou n’est-ce pas, d’une certaine manière, nos outils qui façonnent notre perception du réel? Un peu comme ces trucages de cinéma qui paraissaient hier si vrais à nos parents et grands parents et qui aujourd’hui nous semblent si éloignés de ce qu’est la réalité, parce que notre oeil a été éduqué à percevoir la différence.
Je gage que lorsque Léonard de Vinci a peint la Joconde, qu’il était sûr, et toute son époque avec lui, d’être dans la parfaite représentation du réel. Pourtant, malgré la beauté incontestable de son tableau, sa puissance évocatrice, il est, pour nos yeux modernes, bien loin d’une représentation réaliste. Ce n’est… qu’une peinture. Qui nous émerveille en tant que peinture, pour son statut majeur dans l’Art, mais aucunement pour son « réalisme ». L’illusion est bien trop visible pour notre société moderne qui voit le monde en millions de pixels pour faire encore « illusion ».
Qu’en sera t-il demain, dans un siècle ou deux, pour la peinture d’Yigal Ozeri? Sera t-elle le témoin désuet d’une époque qui pensait voir le réel mais dont les ficelles seront alors si visibles qu’elle ne sera plus qu’une peinture parmi d’autres? Dont on pourra enfin « voir » la qualité de sa composition plutôt que de s’extasier sur sa technique de réalisation? Regardez encore son tableau, vous y verrez son affiliation subtile avec celui de Léonard de Vinci : le travail sur le paysage derrière Lizzie Jagger, la pose étudiée de cette dernière, le sourire qui se lit dans son regard et ses lèvres entrouvertes aux lignes parfaites… Il y a de la Mona Lisa dans ce portrait de Lizzie Jagger.
« Ce que l'œil voit, est une illusion de ce qui est réel. Ce qui existe exactement, nous ne le saurons jamais… » disait la pionnière de la photographie, Ruth Bernhard. Il semble bien que notre perception du monde et de sa réalité ne soit que cela : une illusion.
Vous pouvez voir le travail de Yigal Ozeri, présenté à la galerie Mark Moore ici : http://www.markmooregallery.com/exhibitions/2010-10-30_yigal-ozeri/works/3/
L’illusion de sa présence est si parfaite qu’il est presque difficile d’accepter que cette photo n’en est pas une. Que ce que l’on voit n’est pas réel et n’a jamais existé. Que c’est l’oeuvre picturale d’un artiste de la mouvance hyper-réaliste, qui n’aime rien tant que peindre des femmes dans la nature, au milieu d'une forêt, dans une prairie ou encore près d'un bois aux couleurs automnales. Il peint des jeunes femmes à l'expression mélancolique et créé l'illusion d'un cliché photographique en haute résolution, presque impossible à distinguer d'un vrai.
Dans le mouvement hyper-réaliste, ce n’est pas tant la force d’évocation du sujet ou la puissance de la composition de l’oeuvre peinte qui nous fascine. C’est la technicité et le travail minutieux et pour tout dire laborieux, que cela représente pour rendre, avec exactitude, les formes, les lumières et les couleurs du « réel ». En regardant ces images, si proches de l’image photographique, au point de s’y confondre, on en vient à s’interroger sur la triple évolution/révolution qu’elles sous-tendent : celle de l’usage des outils qui emprisonnent le réel (de l’appareil photo à l’ordinateur), celle de la diffusion du savoir-faire pictural qui permet d’atteindre ce degré de réalisme et celle, plus radicale encore, de notre regard sur le réel.
Sinon, comment comprendre autrement qu’il ai fallu attendre l’invention conjointe de la caméra et du ralenti pour qu’enfin les artistes arrivent à dessiner, de manière vraisemblable, les mouvements d’un cheval au galop.
Et comment expliquer que les génies de la peinture figurative, ces grands maitres du portrait, de Jan van Eyck à Rembrandt en passant par Léonard de Vinci, Albrecht Dürer, Michel-Ange, le Titien ou encore Rubens, n’aient pu peindre avec autant de précision et de réalisme, leur monde? De réussir à faire des peintures proches de ce qu’est, à nos yeux, le réel. Ne le voyaient-ils pas comme nous pouvons le voir aujourd’hui ou n’est-ce pas, d’une certaine manière, nos outils qui façonnent notre perception du réel? Un peu comme ces trucages de cinéma qui paraissaient hier si vrais à nos parents et grands parents et qui aujourd’hui nous semblent si éloignés de ce qu’est la réalité, parce que notre oeil a été éduqué à percevoir la différence.
Je gage que lorsque Léonard de Vinci a peint la Joconde, qu’il était sûr, et toute son époque avec lui, d’être dans la parfaite représentation du réel. Pourtant, malgré la beauté incontestable de son tableau, sa puissance évocatrice, il est, pour nos yeux modernes, bien loin d’une représentation réaliste. Ce n’est… qu’une peinture. Qui nous émerveille en tant que peinture, pour son statut majeur dans l’Art, mais aucunement pour son « réalisme ». L’illusion est bien trop visible pour notre société moderne qui voit le monde en millions de pixels pour faire encore « illusion ».
Qu’en sera t-il demain, dans un siècle ou deux, pour la peinture d’Yigal Ozeri? Sera t-elle le témoin désuet d’une époque qui pensait voir le réel mais dont les ficelles seront alors si visibles qu’elle ne sera plus qu’une peinture parmi d’autres? Dont on pourra enfin « voir » la qualité de sa composition plutôt que de s’extasier sur sa technique de réalisation? Regardez encore son tableau, vous y verrez son affiliation subtile avec celui de Léonard de Vinci : le travail sur le paysage derrière Lizzie Jagger, la pose étudiée de cette dernière, le sourire qui se lit dans son regard et ses lèvres entrouvertes aux lignes parfaites… Il y a de la Mona Lisa dans ce portrait de Lizzie Jagger.
« Ce que l'œil voit, est une illusion de ce qui est réel. Ce qui existe exactement, nous ne le saurons jamais… » disait la pionnière de la photographie, Ruth Bernhard. Il semble bien que notre perception du monde et de sa réalité ne soit que cela : une illusion.
Vous pouvez voir le travail de Yigal Ozeri, présenté à la galerie Mark Moore ici : http://www.markmooregallery.com/exhibitions/2010-10-30_yigal-ozeri/works/3/